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Economies locales et mondialisation
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Janusz Bucki
Thierry Sautelet
in translation
La libéralisation des échanges par delà les frontières habituelles crée des opportunités. Elargir le jeu de la concurrence, acquérir de nouveaux marchés et permettre aux pays et régions d’Europe d'accélérer leur intégration dans l'économie mondiale : autant de mots clé pour prôner et justifier le processus de mondialisation. Et pourtant il suscite des réticences.

Pour les entreprises possédant les capacités compétitives nécessaires pour pleinement profiter du nouveau contexte économique, l'ouverture à la mondialisation constitue un facteur premier de croissance et, de ce fait, de développement de leurs activités. Par contre, celles qui, pour différentes raisons, ne disposent pas des capacités compétitives adéquates et agissent uniquement au niveau local, perçoivent l'arrivée d’une concurrence nouvelle comme une menace ; ce qui les conduit à déployer des efforts toujours plus importants pour assurer leur pérennité.
Suite à la disparition de ses entreprises, tout un pays ou une région risque alors de perdre les savoirs correspondants !

Ainsi, l'intégration dans l'économie mondiale est-elle souvent ressentie par beaucoup comme un processus à "sens unique". Les produits ou services importés se substituent à l'offre locale. Les citoyens sont vus davantage comme consommateurs, eux-mêmes étant obligés d'entrer en concurrence sur le marché mondial du travail.
Des politiques de subventionnement tendent alors à protéger l'autonomie des régions ou des pays au détriment de la valeur économique de leurs entreprises. Ceci induit des procédures et des réglementations supplémentaires afin de gérer l'adéquation entre l'offre et la demande. Artificielle, la valeur ajoutée qui en découle finit de déconnecter l’effort individuel de la récompense, relation pourtant considérée comme moteur de créativité.
De fait, en l'absence d'autres facteurs de motivation, les entreprises risquent de manquer de capacité d'innovation et de compétitivité. Elles risquent de voir alors leurs éléments les plus dynamiques disparaître et hâter, paradoxalement, les difficultés des secteurs concernés. Ne parle-t-on pas de fuite des élites !
Ainsi, la mondialisation des échanges qui peut être perçu comme un processus globalement constructif à long terme peut s’avérer localement destructif à court terme. Ce sont donc deux visions opposées qui structurent aujourd'hui l'argumentaire des protagonistes dans le camp des partisans et celui des adversaires de la mondialisation. Le protectionnisme est parfois avancé, par ces derniers, comme une réponse, mais, force est de constater, qu’il n'a jamais démontré son efficacité à long terme. De l’autre coté, la guerre des prix est, le plus souvent, fatale pour ceux qui ne possèdent pas assez de réserves pour la gagner.

Face à ces défis que faire ?
Mais s'opposer à la mondialisation signifie vouloir arrêter l'histoire. En effet, la mondialisation est un processus qui est toujours allé de pair avec le développement des civilisations. Aujourd'hui, grâce aux techniques nouvelles de communication et aux moyens de transport, sa vitesse s'accélère exponentiellement. La mondialisation représente un phénomène irréversible qui stimule fortement l'ouverture, au sens large, des nations. Les échanges commerciaux véhiculent aussi des idées, des valeurs et, par la même, contribuent souvent à la démocratisation des sociétés concernées.
Dans le contexte actuel toutefois, les entreprises non compétitives se découragent rapidement : non seulement celles qui portent des offres traditionnelles, mais aussi nombre d’entreprises innovantes, dépassées par la concurrence mondiale. Ces entreprises, issues du «terreau» culturel local, fixent, ne l’oublions pas, les processus identitaires. Leur perte est donc néfaste non seulement sur le plan économique mais aussi culturel. Ainsi, la mondialisation est susceptible, "sans du tout le vouloir", de laminer la capacité et le potentiel économique régional ou nationale qui est un facteur fondamental de cohésion sociale.

Comment aider les économies locales à maintenir et faire vivre leurs acquis sans risquer de les ranger aux archives ou au musée quand ce n’est pas pour être pillés par d’autres ?

LE SAVOIR : une valeur économique

Impact de la mondialisation sur l'organisation des échanges

L'évolution du système des échanges peut être schématisée ainsi :

étape 1 : l'équilibre de l'économie locale
L'équilibre traditionnel de l'économie locale est fondé sur les échanges :
• travail contre salaire,
• salaire contre produits ou services,
Il est déterminé par une équation entre l'offre et la demande.
étape 2 : la libéralisation des échanges
L'ouverture des frontières et la libéralisation des échanges créent, pour les entreprises, une opportunité d'amélioration de leur productivité suite à la délocalisation des activités vers les zones à moindre coût de main d'œuvre. Ainsi, les échanges ont tendance à s'opérer en "boucle ouverte" ce qui perturbe fortement l'équilibre traditionnel des économies locales. Cela a pour conséquence d’augmenter le chômage et conduit à une diminution du marché solvable.
Ce phénomène est amplifié par la montée en puissance de l'offre importée sur les marchés locaux.
étape 3 : le savoir - une nouvelle valeur économique fondatrice
L'intégration des économies locales dans un contexte élargi des échanges permettra de :
• valoriser la richesse des savoirs, des expériences, des organisations et des processus identitaires
  développés localement sur d'autres marchés,
• compenser la régression sur le marché local et de générer les moyens complémentaires venant
  soutenir le développement.
La nouvelle économie des savoirs
Les échanges de savoirs ont toujours existé notamment sous la forme d'imitation, de contrefaçon, … ou à l’autre extrême au travers de processus formalisés comme les accords de licences, les ventes de brevets, ou les accords de coopération technique.
De la même manière, l’économie a commencé par la cueillette, la chasse avec son lot de vols et de pillages pour ensuite comporter des échanges commerciaux «normalisés» entre différents acteurs.

Aujourd’hui, les solutions les plus formalisées d’échange des savoirs se font selon une démarche «défensive» par la mise en place de dispositifs de protection de la propriété intellectuelle notamment sous forme de brevet. Viennent éventuellement ensuite des échanges de "particulier à particulier" sous forme d’accords de licences. En d’autres termes, nous sommes encore au stade du troc entre acteurs particuliers. La cession de licences représente, en définitive, une opération de troc ou un échange entre un savoir et de l’argent.

Pour lancer une économie des savoirs il est donc nécessaire de créer de nouveaux instruments, en particulier des «banques de transferts de savoirs». Il convient également de formaliser davantage les savoirs car ceux-ci le sont, en réalité, insuffisamment dans les brevets (cf. infra).
Préserver, produire, échanger les savoirs peut alors être à l'origine d'une nouvelle activité économique car la mondialisation des échanges et l'émergence de nouveaux marchés solvables ouvrent des opportunités nouvelles pour les entreprises, à commencer par celles qui, en raison de la nature de leur offre ou d'un manque de moyens, sont condamnées à se cantonner sur leur marché local (services de proximité, agroalimentaire, sociétés nouvelles …).

En effet, là où les produits ou les services ne sont pas exportables, leur traduction sous forme d'un savoir est exportable.

Pour être transmissible, ce savoir doit comprendre trois volets indissociables :
• la transformation ou le processus permettant d’aboutir à un produit ou d'un service ;
• le pilotage de cette transformation ;
• le retour d'expérience (Rex) acquis dans un contexte opérationnel donné. Ce Rex fait l’historique du pourquoi du processus et du pilotage retenus ainsi que le pourquoi de ce qui n’a pas été retenu ; ce qui permet de capitaliser aussi sur «ce qu’il ne faut pas faire».

Aucune démarche pratique ne va aujourd’hui à notre connaissance dans le sens de l’identification d'un contexte global et structuré facilitant l’échange des savoirs. Or, si nous admettons que le savoir représente un capital à gérer, il faut, par analogie à la gestion de l'argent à travers le système bancaire, mettre en place un réseau de Banques des Savoirs.
C'est ce réseau de Banques des Savoirs qui va réellement matérialiser et porter l'économie des savoirs.

La réussite d'une telle opération est conditionnée par la promotion d’une « captation » et des échanges des savoirs. Elle passe aussi par la mise en place d'une équipe capable de promouvoir, stimuler, orienter et maîtriser les processus de transferts des savoirs. En Europe, ce besoin est d'autant plus capital, que suite à des disparitions, délocalisations d’entreprises et à des migrations d'agents productifs, la richesse correspondant à tous les savoirs accumulés dans les pays et les régions développés se dilue au détriment de ceux-là même qui ont pourtant investi dans leur création.

Du savoir au savoir-faire, de la connaissance à la compétence.
Pour être transmissible, échangeable, le savoir doit comporter un contenu théorique autant que pratique, et par là se fait compétence acquise.
Un tel « portage » ne saurait se concevoir sans disposer d’une approche adaptée à ce cahier des charges. L’outil DoMIS est de nature à traduire le savoir qui lui a été donné à traiter en un savoir faire transmissible. Il est l’outil propice à la mise en place des
Banques des savoirs.